Newsletter 5 – Janvier 2014 – A propos d’une tuméfaction palatine

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Newsletter 5 – Janvier 2014 – A propos d’une tuméfaction palatine

 

Monsieur Y, 35 ans est orienté dans notre centre pour une lésion du palais. Ce dernier ne présente aucun antécédent médico-chirurgical et consomme 10 cigarettes par jour.

Une tuméfaction palatine a été découverte de manière fortuite par son dentiste traitant 30 jours auparavant. Un traitement antibiotique prescrit par ce dernier n’a pas permis la régression de la lésion. Il n’existe aucune symptomatologie.

L’examen clinique montre un nodule sous-muqueux postérieur gauche, en avant et au niveau de la jonction vélo-palatine. La lésion a une consistance ferme, elle est légèrement mobile et non fluctuante. La muqueuse est normale. Les 27 et 28 sont dévitalisées, la 26 est vitale. Il n’existe pas d’adénopathie cervicale
.

 

 

 

La radiographie panoramique ne montre aucune lésion ostéolytique ou radio-opaque au niveau du secteur 2.

L’examen tomodensitométrique TDM avec injection permet de mettre en évidence une formation arrondie, bien circonscrite, oblongue de 2 cm de diamètre avec prise de contraste homogène. Il n’existe pas de lyse osseuse en regard de la formation ni d’adénopathie loco-régionale.

 

Discussion

Devant l’aspect circonscrit et homogène de la tumeur à l’examen clinique et radiologique évoquant un processus bénin, l’exérèse chirurgicale avec examen anatomo-pathologique est indiquée.
Ce dernier conclue à un adénome pléomorphe (AP). L’AP doit son nom a sa double origine embryologique épithélio-conjonctive. Il s’agit de la tumeur la plus fréquente des glandes salivaires. Elle représente 60% des tumeurs salivaires(1).

Son incidence varie de 2,4 à 3,05 /100000 habitants(2).

Elle touche préférentiellement l’homme entre la troisième et la cinquième décade(3).

L’adénome pléomorphe concerne plus volontiers les glandes salivaires principales, la parotide étant la localisation la plus fréquente (80%). Cette tumeur est plus rare au niveau des glandes salivaires accessoires (10%). La localisation est alors par ordre de fréquence : la voute palatine, la lèvre supérieure et la joue (4).

Cliniquement, l’adénome pléomorphe palatin se manifeste par un nodule sous muqueux de quelques millimètres à plusieurs centimètres de consistance ferme. La tumeur est paucisymptomatique, l’évolution est lente mais inexorable. La muqueuse sus-jacente est normale.

L’imagerie est indispensable dans le bilan pré-opératoire et repose sur l’examen TDM et/ou IRM.
Le diagnostic différentiel de l’adénome pléomorphe se fait dans les localisations palatines avec :

Un abcès sous périosté : une étiologie dentaire doit être retrouvée, avec un tableau infectieux que l’on ne retrouve pas dans les lésions tumorales.Un kyste mucoïde pour lequel la palpation est souvent plus souple avec éventuellement une notion de vidange salivaire et un aspect bleuté.

Un torus palatin, la localisation est médiane, la palpation dure et la tonalité est osseuse à l’examen tomodensitométrique. On note que la ligne médiane est toujours épargnée par l’adénome pléomorphe du fait de la moindre concentration de GSA sur le raphé médian.

Une tumeur maligne des GSA, essentiellement le carcinome adénoïde kystique (anciennement cylindrome). La lésion est volontiers fixée, infiltrante (lyse osseuse à la TDM), volontiers ulcérée et douloureuse du fait de l’envahissement périnerveux.. Parmi les autres tumeurs malignes des GSA, il faut citer le carcinome muco-épidermoïde et l’adénocarcinome polymorphe de bas grade.

Le traitement est toujours chirurgical, sous anesthésie locale ou générale en fonction de la taille de la tumeur. L’exérèse doit être faite en un seul bloc afin d’éviter les récidives.
Ces dernières ne sont pas rares et se présentent souvent sous la forme d’une tumeur pluri-nodulaire.
Enfin, des transformations malignes sont possibles sous la forme de carcinomes de différents types (2)., notamment sur des lésions négligées, très évoluées ou des formes récidivantes.

 

Bibliographie

1. Barnes L, J. E, Reichart P, Sidransky D, editors. WHO classification of Tumours: Pathology and genetics of head and neck tumours: IARC Press; 2005.
2. Pinkston JA, Cole P. Incidence rates of salivary gland tumors: results from a population-based study. Otolaryngol Head Neck Surg 1999;120(6):834-40.
3. Kuffer R LT, Husson-Bui C, Courrier B, Samson J. La Muqueuse Buccale, de la clinique au traitement. Editions Med’com 2009.
4. Sahoo NK, Rangan MN, Gadad RD. Pleomorphic adenoma palate: Major tumor in a minor gland. Ann Maxillofac Surg 2013;3(2):195-7.
5. Kakimoto N, Gamoh S, Tamaki J, Kishino M, Murakami S, Furukawa S. CT and MR images of pleomorphic adenoma in major and minor salivary glands. Eur J Radiol 2009;69(3):464-72.
6. Bentz BG, Hughes CA, Ludemann JP, Maddalozzo J. Masses of the salivary gland region in children. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2000;126(12):1435-9.

 

Ugo Ordioni
u.ordioni@centremassiliendelaface.com

Chirurgie Orale Assistant Hospitalier Universitaire (Hôpital de la Timone, Marseille)

Docteur en Chirurgie Dentaire, Spécialiste Qualifié en Chirurgie Orale (Aix-Marseille II) DES de Chirurgie Buccale (DESCB) CES de Médecine Buccale Maitrise des Sciences Biologiques et Médicales (Aix-Marseille II) Diplôme Universitaire de Carcinologie des Voies Aéro-Digestives Supérieures (Lyon I) Diplome Universitaire de Dermato-Vénérologie de la Muqueuse Buccale (Paris V)

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